La bière dans l’âme, Rozenn Mell est paysanne brasseuse à Melesse où elle produit une bière artisanale, locale et bio, la Drao, depuis 2013.
J’ai rencontré Rozenn en mars 2017. Encore une fois la simplicité et l’authenticité des échanges étaient au rendez-vous. Passionnée et terre-à-terre à la fois, Rozenn m’a accueillie à la brasserie plusieurs fois entre mars et octobre 2017.
De l’agro à la bio : de l’or-ge dans les mains
Originaire du Finistère, Rozenn est venue à Rennes suivre des études en agroalimentaire de 2002 à 2007. Elle y découvre l’art du brassage de la bière au sein de l’association étudiante « La ruée vers l’orge ».
En parallèle, elle réalise des petits boulots d’été chez des maraîchers bio en vente directe qui lui transmettent les notions de circuits courts, de l’éthique, du contact humain et de la relation « de la terre à l’assiette ».
Et quand elle rentre dans sa famille, elle va voir ses cousins et donne des coups de main à son oncle, producteur de cidre.
Après deux ans dans un bureau d’études en environnement travaillant pour les industries agroalimentaires, Rozenn n’y trouve pas son compte « éthiquement parlant » et décide de quitter son poste. Pendant ce temps de réflexion, elle continue à brasser la bière avec son compagnon. C’est alors qu’elle part faire des stages chez des maraîchers et s’inscrit ensuite à la formation en agriculture biologique du Rheu. Le déclic arrive quand on lui parle d’un paysan brasseur installé dans le Morbihan. Rozenn s’immerge alors dans le milieu et va à la rencontre des différentes brasseries bretonnes.
Pour s’installer en tant que paysanne brasseuse, il faut des terres pour cultiver l’orge. Rozenn répond en 2011 à un appel à candidat à Montreuil le Gast, et bingo, elle peut travailler sur une terre déjà certifiée bio de 10 hectares. En 2012, elle trouve le bâtiment qui fera office de ferme brasserie à Melesse. Le temps de réaliser les démarches d’installation, elle démarre réellement son activité en janvier 2013. En mai de la même année, elle célèbre son premier brassin. Aujourd’hui, elle est passée de 10 à 20 hectares, non pour courir à l’agrandissement mais pour créer un poste.
Let’s dance
Drao vient du gallo, la langue du coin, et signifie danse, ronde, fête… tout ce qui va bien avec l’image festive de la bière. Blues, polka, flamenco… les noms des bières se déclinent au rythme des pas de danse et des saisons pour les séries limitées. La blonde vous emporte sur du boogie woogie, l’ambrée sur du funky groovy. La communication colorée est assurée par un infographiste d’Hédée.
Rozenn élabore elle-même les recettes, jouant sur les variétés et les quantités. Pour cela, elle se rend dans ses champs d’orge une fois par semaine pour vérifier les terres, voir les besoins en désherbage, semer au printemps ou à l’automne, récolter en été. La partie brasserie est la plus conséquente : production de 1000 litres par semaine, conditionnement en bouteilles ou en fût, brassage, livraison…
Son objectif étant de fabriquer un produit et de le vendre sur le territoire à des personnes de confiance, Rozenn privilégie la vente directe en ouvrant la ferme brasserie le vendredi après-midi et en livrant à un maximum de 30 kilomètres de chez elle. « L’achat n’est pas un acte anodin, c’est soutenir une entreprise locale, conforter des emplois, mettre du sens » explique-t-elle à ses clients. Le bouche-à-oreille s’est chargé du reste.
Un rythme de croisière à trouver quand on est une femme
Aujourd’hui, le challenge est de trouver un rythme de travail confortable pour elle et son employée, mais aussi au niveau familial. Les deux s’imbriquent car il s’agit bien pour elle d’un projet de vie. Léger bémol qui n’altère rien à son enthousiasme : le brassage de la bière est et reste un travail, elle a donc posé des limites horaire dès le départ.
Au début de son activité, elle traversait un stress quotidien car elle avait tout à créer, avec les emprunts à rembourser dans un coin de sa tête. Aujourd’hui, elle est plus sereine, elle a trouvé son rythme et elle produit des quantités suffisantes. « Il faut beaucoup d’énergie au départ pour tenir mais ça a été car j’aime ce que je fais ».
Par ailleurs, Rozenn est très vigilante quant à l’aspect très physique de ce travail qui nécessite énormément de manutentions. « Il faut être en forme » mais ce n’est pas une raison pour s’user la santé ; elle est alors à l’écoute des besoins de son employée et des siens pour mettre en place des outils nécessaires et soulager le corps.
Du réseau et des soutiens
Rozenn se rend fréquemment à la CUMA (Coopérative d’utilisation du matériel agricole) du coin. L’enjeu a été de comprendre le jargon et la langue locale mais surtout de se faire accepter… Ses terres étaient convoitées par des voisins qui regardaient d’un mauvais œil son installation : une femme qui fabrique de la bière en agriculture biologique, ça n’a aucun sens… Il lui a fallu beaucoup dialoguer avec eux pour que, désormais, elle soit plus sûre d’elle et ait moins d’appréhension. Si bien qu’elle a pu déléguer la conduite des engins sur son champ.
Le propriétaire du bâtiment de la brasserie, James, est agriculteur conventionnel. Il lui a permis de se faire intégrer plus facilement et de bénéficier de son soutien sur place dans le milieu conventionnel : « ça fait du bien car c’est comme si j’avais pris leur terre ».
Le rôle de l’entourage est très important pour elle. Elle remercie son conjoint pour toute l’aide qu’il a pu lui apporter, surtout la première année, en l’assistant dans les travaux ou aujourd’hui en l’appuyant dans des prises de décisions ou à résoudre des questionnements.
Il y a aussi les collègues en AB avec qui elle fait des échanges, comme « du fumier contre de la paille ».
Adhérente dans différentes structures de soutien à l’agriculture biologique et paysanne, elle a parfois l’impression de plus consommer de l’information que d’être vraiment impliquée. Tout cela n’est pas évident à mettre en place quand il y a la vie de famille d’un côté et un rythme de travail à tenir.
Pour en savoir + sur elle :
Son site Internet Ferme Brasserie Drao et page Facebook
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