Sarah le Goff est maraîchère depuis 2010 à Iffendic, près de la mythique et mystique forêt de Brocéliande. Aujourd’hui elle a 40 ans, assume les coups durs météo ou techniques de son métier et, surtout, s’épanouie au contact de la nature.
J’ai rencontré Sarah en mai 2016. Autour d’un thé aux épices, porte et fenêtres de sa maison grandes ouvertes, un chien qui vagabonde, des chevaux bien heureux, des terres surplombant la campagne alentour, Sarah s’est confiée sur son parcours, son travail de maraichage, sa vie de femme tout simplement.
Un parcours de soignante : de l’infirmerie à l’alimentation
Dans sa vie d’avant, Sarah était infirmière. Puis, peu à peu, elle n’a plus été en accord avec la surmédicalisation et l’alimentation dans les centres de soin, les hôpitaux, les maisons de retraite, etc. Végétarienne depuis longtemps, elle s’est alors rapprochée du soin par les plantes en suivant une formation en herboristerie. La législation française était trop compliquée dans ce domaine ; pourtant elle souhaitait réellement et concrètement mettre les plantes et la santé au cœur de son activité professionnelle. C’est alors qu’elle s’est orientée vers le maraichage. Et la voilà suivre pendant deux ans la formation agricole au Rheu.
Le diplôme en poche, la recherche du foncier pour s’installer a été un peu longue… mais elle a finalement trouvé une ferme et des terres à Iffendic où aujourd’hui elle vit et travaille.
Quand la réalité du métier…
Installée seule, des galères, elle en a connu pendant cinq ans : soucis techniques, dégâts météo, coups durs… Heureusement, les amis lui ont donnés des coups de main. D’ailleurs, elle n’envisage pas de « travailler seule toute sa vie car c’est un métier physique et dur », et ce, pour ne pas s’user la santé.
Fort heureusement pour elle, avant son installation, les terres étaient des prairies ; Sarah a pu en tirer parti pour la labellisation directe en agriculture biologique.
En location, elle bénéficie de deux hectares de terrain autour de la maison où elle habite, 800 m2 de tunnels pour y cultiver les légumes, un verger et deux beaux et fringants chevaux. Elle produit une cinquantaine de légumes à l’année, du jus de pommes issus du verger, sans oublier les plantes aromatiques, le tout vendu en vente directe. Elle distribue les trois-quarts de sa production en Amap et se rend aux marchés hebdomadaires d’Iffendic et de Paimpont. Elle écoule le reste de sa production de légumes à quelques restaurants rennais à la saison, et ponctuellement à un groupement de producteurs. De temps en temps, elle répond à des commandes pour de l’évènementiel. Et, enfin, elle prépare des colis vendus directement à la ferme.
Dans sa pratique professionnelle, Sarah est beaucoup plus organisée qu’au départ, elle anticipe beaucoup plus, elle appelle cela « l’organisation par l’expérience ». Il y a d’un côté les contraintes à gérer : la solitude, la météo et le vent (la ferme est sur une butte), la fatigue. Mais surtout il y a cette liberté d’être son propre patron, de travailler seule, même en tant que femme, sans compte à rendre, de prendre des décisions par soi-même.
… se conjugue avec l’art de vivre…
Être dehors en contact avec la nature, être en lien avec le rythme des cycles naturels : voilà son plus grand plaisir.
Quand elle arrive à se prendre des temps libres, Sarah en profite pour s’adonner à ses passions que sont la photo, le dessin, la musique, le cheval. Un brin artiste, n’est-ce pas ? Durant ces moments de « off », elle veut vraiment faire autre chose que l’agriculture, puisqu’elle y passe 10 heures par jour… ces temps libres peuvent être difficiles à prévoir lors de la haute saison.
… et le militantisme.
Secrète sur ses origines, après avoir vadrouillé à droite à gauche, entre autres dans les Cévennes, Sarah s’est établie en Bretagne, région qu’elle affectionne énormément pour ses paysages et ses habitants, mais région dont elle ne comprend pas du tout le modèle agricole.
Impliquée au niveau du collectif départemental, Sarah milite à la Confédération Paysanne pour l’accès au foncier principalement et aussi pour y rencontrer des collègues paysans. Elle regrette que le maraichage n’y soit pas beaucoup représenté, « ni les femmes à ce propos ». Pour elle, il est très important de défendre l’agriculture paysanne. D’ailleurs, Sarah se définit « paysanne » et non « agricultrice » comme le veut la législation en vigueur.
En parallèle, elle fait partie d’Agrobio35, organisation de soutien à l’agriculture biologique en Bretagne pour bénéficier de leurs formations, quand elle peut, car elles sont souvent proposées au moment de la pleine saison de maraichage.
Quant à ses voisins agriculteurs, elle les respecte même s’ils ont une vision totalement opposée de l’agriculture. Toutefois, elle ne partage aucun lien avec eux et remarque une pratique de l’agriculture très individuelle. « Il y a plus de lien entre les petits qu’entre les gros, qui sont tous à courir pour avoir le plus de terres » note-t-elle. Pour témoigner de la solidarité présente chez les « petits », Sarah me parle de collègues et de copains maraichers qui lui prêtent du matériel de temps en temps ou qui lui donnent des coups de main. Et de, pourquoi pas, réaliser des journées d’échange…
Et la vie de femme dans tout ça !
La solitude lui est pesante à l’heure de vouloir fonder une famille mais sa facette artiste l’a amenée à organiser des spectacles à domicile avec un ami clown « pour faire bouger la campagne ».
Superwoman, elle en a des airs… à l’instar de nombreuses autres femmes qui croient et qui se démènent dans leur activité. Souvent, on lui dit qu’elle et forte et courageuse, et elle le sait, pourtant elle sait aussi qu’il faut gérer et surmonter la fatigue, et cela est loin d’être évident !
Elle aime apporter une touche féminine quand elle fait les marchés, par exemple, elle s’habille « comme une femme » portant alors boucles d’oreille et maquillage, « ça lui fait plaisir » et la change du quotidien.
Bonjour, je viens de découvrir votre blog, superbes portraits de paysannes. Sarah Legoff est une amie et nous l’avons aidée à déménager hier à St Mayeux Cotes d’ Armor. Elle y a achete une ferme avec 3 ha de terres attenantes et va y faire de la culture et de la transformation avec son compagnon. C’est le début d’une belle aventure et on lui souhaite succès et bonheur, c’est une belle personne généreuse.
Merçi pour vos jolis portraits qui font bouger les choses et nous donnent de l’espoir. Autour de nous, cad Concoret et Paimpont ,des petites fermes bios se créent grâce aux jeunes néo ruraux.
Merçi à vous. Brigitte
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