Gallia Vallet

L’artiste nomade

Un voilier s’est érigé au devant de la scène, le Münchhausen, un Arpège de 1968. Des voyages ont pris forme, bruts et vifs comme l’océan. Hors des murs des théâtres où Gallia exerce son métier de comédienne et hors des murs des lieux collectifs qu’elle investie, elle s’est trouvée un cocon flottant fin 2019, en duo avec son compagnon. La voile est devenue l’objet d’un nouvel apprentissage. En 2020, son premier périple à bord du Münchhausen a duré huit mois, de La Corogne aux Canaries, et un retour de Madère à Marseille, sa ville d’adoption.

Comédienne et graphiste, Gallia est une nomade des mers depuis bientôt deux ans, à bord de son Arpège, un Dufour de 9,25m.

Gallia, l’esprit voyageur

Gallia a 32 ans. Elle a grandi à Paris et a été initiée à la voile sur un Optimist en Bretagne, où sa mère habite désormais. Issue d’une famille d’artistes, c’est naturellement qu’elle a suivi des études aux Beaux-Arts et s’accomplit désormais sur les planches des théâtres comme comédienne.

Elle a vécu à Marseille pendant treize ans et c’est là qu’elle retourne après les tournées et les résidences artistiques plus ou moins lointaines. C’est dans la ville phocéenne, à contre courant de la gentrification urbaine actuelle, qu’elle s’est investit dans l’ouverture et l’animation de lieux collectifs autogérés. Et c’est sous le vent méditerranéen qu’elle a rencontrée non seulement son compagnon, mais aussi qu’elle a pu redécouvrir la voile, grâce à des amis marins et à une association disposant d’un vieux gréement. Son quotidien est donc très nomade. Ses projets personnels et sa vie professionnelle l’amènent à voyager tout le temps. Alors vivre sur un bateau n’en est que la continuité.

Plonger tête la première
Elle reconnait n’avoir eu que très peu d’expérience nautique avant de se lancer dans l’achat d’un voilier avec son compagnon – ils ont eu un coup de coeur pour un Arpège de 1968 de chez Dufour -, et « avoir plongé dedans tête la première un peu en aveugle », confie-t-elle.

C’est à bord de son bateau, le Münchhausen – nom qu’ils ont donné en hommage au drôle de personnage populaire allemand du XVIIIe siècle, le baron de Münchhausen – qu’elle a presque tout appris. Ce fut un grand bain immersif !

Les membres d’équipage variaient en fonction des destinations. Ces derniers ne sachant pas tous naviguer, quand parfois son compagnon se reposait, il lui a alors fallu savoir gérer par elle-même pour que le bateau fonctionne correctement. Par exemple, dit-elle « on s’est retrouvé très vite à faire des quarts tout seul, mon copain était le capitaine, mais moi, j’étais la deuxième personne qui savait le mieux naviguer – ce qui était assez étonnant car je ne savais pas très bien naviguer -, et du coup, on me réveillait pour me demander ce qu’il fallait faire à ce moment-là, comment régler, s’il fallait prendre un ris, s’il fallait abattre ou lofer, c’est à dire donner des conseils à des gens qui, eux, ne savaient pas du tout naviguer. »

L’école de la confiance

Une responsabilité qui lui faisait peur mais qui lui a permis d’acquérir une bonne connaissance du bateau et de la mer et qui lui donné confiance dans ses capacités.

Puisque son compagnon a suivi des formations dans les bateaux, dont le Capitaine 200, il avait la casquette du sachant à bord. Très vite, il a eu besoin de pouvoir se reposer sur elle, et elle estime qu’il a fait en sorte qu’elle prenne les décisions elle-aussi, même a des moments où ce n’était pas agréable pour elle. Trouver sa place à bord du Münchhausen n’a pas été compliqué mais prendre confiance en elle et dans ce qu’elle ressentait a été un peu plus long : « il y a eu des moments où tu fais des erreurs, et tu ne le répètes pas une deuxième fois car tu vois directement ce que l’erreur amène comme conséquence. Voilà : j’apprends, j’apprends. »

Elle ajoute : « c’est un moyen de transport qui nous fait mettre en confrontation avec la nature, avec le vent, avec des forces qu’on ne contrôle pas du tout, sur lesquelles on n’a pas de prise. Du coup, on apprend toujours, toute notre vie, tous les gens qui naviguent apprendront toujours face à des nouvelles situations. C’est à chaque fois différent. »

Pour le plaisir d’une nouvelle expérience

« C’est quand même magnifique de faire du bateau. C’est un moyen de transport où tu es à la fois complètement autonome et dépendant du vent. C’est une forme de liberté et, en même temps, tu n’es pas libre du tout parce qu’il faut que tu fasses avec les éléments. En plus, c’est un moyen de transport qui utilise un minimum d’énergie fossile ».

Le vent la fascinait déjà. En tant que comédienne, elle avait travaillé avec des cerfs volants et des objets volants. Alors, quand elle a appris qu’un bateau pouvait remonter au vent, elle a trouvé ça beau et incroyable : « les vagues et le vent nous repoussent, on devrait reculer, et non, on avance ! »

Gallia aime faire des nouvelles expériences, elle aime voyager et essayer des nouvelles pratiques. Alors, à deux, ils se sont lancés…

Nomade des mers

« C’est comme vivre dans un camion », suppose-t-elle, éprise de grands espaces, « ton jardin c’est le monde ». Mais dans le mouvement du voyage et la vastitude du monde, parfois avoir un point de chute, « un lieu à soi »1, est vital pour se ressourcer. Elle convient que, après deux ans de vadrouille, ça lui a fait du bien d’avoir un endroit qu’elle considère comme étant chez elle. « Là, ça en fait un concret et qui peut nous emmener un peu partout. »

De l’Espagne à la Grèce, ils ont réalisé principalement de longues navigations à bord de leur bateau maison. « Lors des grandes traversées, tu es vraiment immergée dedans, c’est un autre monde, tu te mets sur un rythme qui es complètement différent. Tu sens la rondeur de la Terre, tu vois vraiment le temps que tu vas prendre et la distance pour aller quelque part. »

Le sexisme n’a qu’à bien se tenir !

Gallia commence par conter la fois où, à Valence en Espagne, elle a présenté au capitaine du port les passeports de l’équipage, composé de deux hommes et d’une femme. Ce dernier demandant lequel des deux hommes étaient le skipper, Gallia n’a pas hésité une seconde à répondre que c’était elle !

Cette anecdote mise à part, elle confie ne pas avoir ressenti de sexisme à bord puisqu’elle a principalement voyagé avec « des équipages très politisés de base », à la fibre féministe. A l’île de La Gomera, elle a rencontré à plusieurs reprises des capitaines féminins, entre autres deux femmes qui savaient naviguer depuis toute petite et qui initiaient leurs compagnons à la voile. « C’était chouette », se réjouit-elle, « mais c’est très rare ».

La féminité à bord

Question force physique, Gallia affirme qu’elle n’a pas eu besoin de faire appel à quelqu’un d’autre pour l’aider. Volontaire et tenace, elle n’hésite pas à remettre un coup de winch quand il le faut.

Quant à sa féminité à bord, puisqu’elle considère le bateau comme sa maison, elle n’a pas ressenti de gêne. Pendant ses règles, « que ce soit en mer ou à terre, je vais être de mauvais poil ! » Alors quand il lui faut se réveiller à deux heures du matin pour son quart de nuit : « je ne dis trop rien mais je ne vais pas être contente ».

Des peurs légitimes

Lors des longues navigations, le moins plaisant pour elle est la fatigue cumulée par un rythme de quart et par une vigilance de chaque instant. En arrivant à Gibraltar, ils ont eu une bonne douzaines d’heures avec beaucoup de vent. Gallia n’était pas très rassurée et quand elle n’était pas de quart, elle ne trouvait pas le sommeil car elle n’arrivait pas à faire confiance aux équipiers et remontait sur le pont pour tout vérifier. « En y repensant, le manque de sommeil, c’est hard, quand même ! Tu as moins de patience, et plus tu es fatiguée, plus ça va te faire peur. »

Sinon, elle confie que les gros cargos l’effraie beaucoup : « tu vois qu’en vingt minutes, ils se rapprochent, et que très vite ils sont à 200 mètres de toi : je n’aime pas trop ce genre de situation ! »

Ses plaisirs en navigation

L’âme poète qui l’anime lui fait répondre tout de go : « regarder les étoiles la nuit » et les animaux marins : « j’adore me mettre à l’avant et regarder les oiseaux, les dauphins, les baleines ! »
Mais Gallia aime aussi sentir son bateau, saisir l’instant quand il avance et son inertie. Quand elle réalise une manoeuvre d’accostage, elle n’est pas peu fière de réussir ! Bonne vivante, elle adore cuisiner quand tout est calme et qu’elle sent bien.

Si le mal de mer lui a joué quelques mauvais tours, Gallia s’est vite accordée à ce nouveau style de vie, au gré des vents et des vagues. Un an après leur première expédition dans l’Atlantique, les deux partenaires ont pris la direction de la mer Egée et du pays « aux dieux antiques », où la mythologie hellénique a ravi la soif d’aventure, d’art et de littérature de cette navigatrice novice.

1. Référence à l’oeuvre de Virginia Woolf Une chambre à soi ou Lieu à soi, selon les traductions (A Room of One’s Own).

Auteur : Mathilde Pilon

Une réflexion sur “Gallia Vallet

  1. Pingback: Des femmes et la mer | mathilde pilon

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